Le choc des mots, surtout en démo ! avec Jacques Choquet

jac-chocRencontre avec Jacques Choquet

Quand il ne rit pas, il sourit ! On peut résumer le personnage en quelques mots : passion de la transmission et goût de l’ouvrage bien fait, bonne humeur et convivialité…

Sa pédagogie est simple, il la résume en une phrase, et comme il n’a pas peur des mots, il met les points sur les I dès le premier contact : « Ce que je vais vous apprendre, c’est la méthode la plus dure, comme ça après, tout vous paraîtra simple ! » C’est l’école du « qui peut le plus, peut le moins »…

Enseignement suivi

L’école du « qui peut le plus, peut le moins », ça marche souvent, mais pas toujours car Jacques ajoute en riant, discrètement en aparté, « Comme ça, je vois aussi ceux qui s’accrochent et qui sont prêts ; faire de la vannerie, c’est pas si difficile, mais il faut être prêt, si le stagiaire est prêt ça va tout seul ! »… Et d’illustrer son propos avec sa propre expérience : « J’ai longtemps rêvé de faire de la vannerie sans oser franchir le pas ; un papy voulait m’apprendre, mais moi je ne voulais pas, j’étais pas prêt… Et un jour, je l’ai suivi alors qu’il allait ramasser des ronces, j’ai appris à faire les paillasses (vanneries spiralées cousues) en moins d’une demi-heure et les vanneries d’osier en moins d’une heure, j’étais prêt ! »… Quand on vous disait qu’il n’avait peur de rien !

Il faut dire, pour rassurer ses futurs élèves, qu’il compense la difficulté par une foule de trucs et d’astuces en tout genre. « Avec lui on ne s’ennuie pas » résume un apprenti vannier. Mais il faut être attentif à tout… Ses formations, il les donne lors de veillées, car rien que le mot « stage » lui donne des boutons. Il ne veut pas en entendre parler : enseigner la vannerie aux mêmes personnes pendant 2, 3 ou 5 jours lui est impossible. Il ne se sent ni l’âme d’un professeur, ni celle d’un maître de stage. Jacques Choquet est plutôt de la trempe des conteurs de veillées ! Ce n’est donc pas un hasard si depuis plus de 20 ans, chaque 15 jours, il organise, avec Geneviève son épouse, des soirées conviviales autour de la vannerie. Des soirées à l’ancienne, sans télévision, comme on rêve tous d’en retrouver…

En fait, il reproche aux stages de ne pas permettre de suivre les stagiaires sur le long terme. On ne peut pas lui donner tort, effectivement beaucoup de stagiaires ne persévèrent pas dès lors qu’ils se retrouvent seuls à la maison !

La première partie de ces soirées, de 17 h 30 à 20 heures est donc consacrée à la vannerie… La seconde à la convivialité… De 15 à 20 personnes, le groupe passe, après 20 heures, à 30 ou 35 personnes, la cuisine est grande heureusement. Il n’y a pas de thème précis, chacun vient avec ses passions : macramé, patchwork ou jardinage tout est bon pour échanger et apprendre.

Ces soirées se déroulent en hiver uniquement, de novembre à mars. Pour avoir rencontré Jacques en juin, nous n’avons pas pu en profiter, mais on nous en a tant vanté l’esprit que nous nous sommes promis d’y revenir, pour un reportage futur ! En attendant, nous avons pu voir Jacques à l’œuvre lors d’un atelier de démonstration.

Une fois annoncé qu’il va décrire « la méthode dure », il enchaîne les informations.

Il faut le voir

Première leçon, l’aiguisage du couteau : « Inutile de vouloir faire de la vannerie si vous ne savez pas ai- guiser le couteau ». Avec la meule enjac-cho1gré ou la pierre à affûter, on fait ressortir le morfil. « Le boucher, il l’enlève le fil, mais moi, en vannerie je le conserve dit-il, et selon que je veuille m’en servir en grattoir ou en tranchant, je l’oriente d’un côté ou de l’autre ! »

Difficile à expliquer avec des mots, il faut le voir faire d’abord, le faire ensuite !
Jacques travaille avec un Laguiole, mais reconnaît que le plus facile à trouver et l’un des meilleurs couteaux, c’est l’opinel, justement parce que facile à aiguiser (éviter les lames « inox » !).

Un angle de 30°

Le travail au couteau est essentiel, on fait tout ou presque avec. Démonstration est faite pour fendre une ronce en 5 côtes régulières, affiner les éclisses d’osier ou celles de ronce, appointer les côtes, ou réaliser un assemblage parfait de l’en- semble « poignée/bordure haute » d’un panier sur arceaux.

Le sécateur est aussi sollicité, et pas que pour couper les ronces ou les rejets de saule, Jacques montre comment l’on s’en sert pour fendre une anse de châtaignier en deux, avant de la mettre en forme sur son moule. Le tour de main paraît simple, comme toujours quand on regarde quelqu’un qui maîtrise le geste !

« Et rappelez-vous que l’angle, quand vous fendez, entre l’éclisse et la lame du couteau, ne doit pas dépasser 30° ! » dit le maître… Puis vient le moment de montrer un départ de panier paysan. Premier enseignement : être méticuleux. Sur chaque moule (gabarit !) sont indiqués les axes de symétrie, mais aussi la longueur de la pièce de bois à travailler. De gros élastiques, découpés dans de vieilles chambres à air se tiennent prêts pour maintenir solidement les pièces de bois à cintrer (très efficace !).

jac-choc2Ils (les moules) vont par paire, pas question de les dépareiller. Les repères de symétrie sont ensuite soigneusement reportés au crayon de bois, sur les pièces sèches (anse et bordure), mais « si précis soient ces reports, rien ne remplacera jamais le coup d’œil » prévient Jacques, qui prend soin de tout vérifier avant montage définitif.

Les ensembles anse/bordure haute sont soignés, ils se font à tiers-bois et un « clac, qui fait chanter le bois » lors de l’assemblage atteste de leur bonne précision.

Affiner sans couper

Le montage des arceaux n’a pas de surprise, en revanche le tressage, lui, est particulier ! Si, sur les paniers à arceaux on est normalement obligé de réaliser des tours courts pour remplir les vides laissés par la forme du panier, Jacques corrige cette difficulté en reprenant et en amincissant une à une les éclisses à leur passage sur le fond du panier, il obtient ainsi un tressage plus serré et plus régulier. Ses vanneries sont en châtaignier (squelette) et en osier (garnissage).

Pour travailler l’osier, outre le fendoir (en bois tendre ou dur, peu importe !), il s’est fabriqué un petit rabot fixe pour affiner les quartiers. Pour cet ancien fraiseur, rien ne fut plus simple que de transformer une lame de raboteuse et de la monter sur une tablette de bois. Le plus difficile explique-t-il, c’est ensuite de trouver le bon angle, pour affiner sans couper.

En parallèle de tous ces aspects techniques dont on se demande bien « comment on va être capable de tout retenir », Jacques distille en abondance des informations sur la récolte, les matériaux, la lunaison, les temps de séchage et autres élé- ments qui nécessiteront du temps pour être intégrés. Ainsi, on apprend que le frêne est plus difficile à travailler que le châtaignier, mais que sa finition est plus belle (pour les anses)…

Convivialité

Le noisetier, c’est un caractériel et un sensible : capricieux, son comportement varie selon l’hygrométrie. Même travaillé, il est capable de se déformer ! La lune, il faut y faire attention, la récolte se fait dans l’intervalle du 8e jour après la pleine lune et jusqu’à la nouvelle lune. Et encore, malgré toutes nos connaissances et les précautions qui en découlent, cela ne suffit pas à tout expliquer. Ainsi, « l’osier lui- même, dans sa croissance n’est pas uniforme et cela joue sur son travail. Je pense que celui qui pousse du côté des vents dominants se travaille moins bien, sa fibre est plus dure, pour l’affiner je dois le passer à l’éclisseuse en biais, … ça je l’ai constaté », explique Jacques, jamais avare de partages vécus. On l’a compris, il n’y a pas, dans cet enseignement, que la technique qui compte… La chaleur humaine y est constante elle aussi.

Pour le vannier comme pour son épouse, elle aussi animatrice des veillées, le mot convivialité n’est pas un vain mot. On peut être sûr que les soirées sont chaleureuses dans leur grande cuisine et vu le succès nul besoin de faire de la pub, le bouche-à-oreille suffit. Du coup, si vous souhaitez retrouver leur trace et si vous habitez pas loin de la forêt de Tronçais dans l’Allier, tendez l’oreille et ouvrez l’œil, vous aurez peut-être la chance de trouver le chemin de ce lieu magnifique où le mot amitié prend tout son sens !

 

Extrait du LLC n° 10 de décembre 2014