Êtes-vous salicophile ? – histoire et usages de saule

Salicophilie, quésaco ? Une déviance d’ordre psychique ? Non, rassurez-vous…
rien de malsain, bien au contraire, si vous en êtes ! Le salicophile est simplement un amoureux des… saules ! Et nous sommes nombreux dans ce cas. On connaît la passion des paysagistes et jardiniers anglais pour le saule pleureur durant 19ième siècle mais la salicophilie, c’est bien plus que cela.

TEXTE de Dominique Brochet PHOTOS de D. Brochet et Bernard Bertrand

GENÈSE !

Au hameau de la Presle, terre de Marne et surtout terre d’argile, entre Reims et Épernay, on est salicophile naturellement. C’est le pays du Champagne bien sûr, mais c’est aussi plus confidentiellement celui d’un couple de pépiniéristes singuliers, Édith et Dominique. Édith est issue du milieu horticole flamand et a fait partie de la première promotion de « techniciens pépinières » incorporant des filles. Elle connaît les saules qui abondent aux côtés des peupliers, autre Salicacée, sur les wateringues (fossés de drainage du Nord) et le littoral. Édith l’utilise aussi dans la pépinière, pour palisser arbres et plantes grimpantes. Dominique, lui, est un produit tout aussi typique de la Champagne et de ses vignerons qui utilisaient pendant les vendanges les paniers « mannequins » tressés d’osier ou de rotin.
Pour Dominique, qui est passionné de plantes de montagnes (il a sévi aux jardins alpins de la Jaÿsinia et du Chitelet), les saules sont aussi des champions, des ligneux capables de coloniser hautes latitudes et altitudes.

L’HISTOIRE DU SAULE EN CHAMPAGNE

Il y a un siècle, la vannerie et donc l’osiériculture étaient à leur apogée. Un engouement dû aux énormes besoins de l’époque en contenants de toutes sortes servant à transporter tout ce que les nouvelles usines produisaient un peu partout en Europe. L’osier servait aussi à créer un mobilier léger à partir d’un matériau bon marché, résistant et respirant.
Les climats et les sols les plus frais restent les plus favorables. C’est donc dans le Nord et l’Est, et notamment dans la Haute-Marne et les Ardennes qu’on trouve les plus importantes productions d’osiers. Le tiers de la production nationale est champenois, et les deux autres tiers se trouvent dans les nord et nord-est de la France.

BOTANIQUE

Sept espèces vivent chez nous en plaine, quand de quinze à trente peuplent nos montagnes (espèces ou variétés suivant les auteurs). C’est donc le genre ligneux le plus varié en France comme en Europe, issu d’un groupe très ancien : on a recensé des pollens de saules vieux de 100 millions d’années.

La dioécie plutôt archaïque du saule (plants à fleurs mâles et d’autres à fleurs femelles, chatons ci-dessous), en serait une autre preuve.

La famille des Salicacées abrite deux grands genres : Salix et Populus. Il faut y ajouter deux petits genres proches : Chosenia (souvent intégré à Salix, ses chatons sont érigés comme les saules, mais sans disque nectarifère comme les peupliers) et Toisusu. Ces genres ancestraux se cantonnent au foyer d’origine des salicacées ; c’est-à-dire le Nord- Ouest pacifique : la Mandchourie et les îles Hokkaido et Sakhaline.

GUERRE ET RÉSISTANCE

Mais la guerre 14-18 représente une première secousse qui engendre les bouleversements qu’on connaît. La Seconde Guerre mondiale donne le coup de grâce, elle coïncide avec la généralisation des pro- duits synthétiques. Il s’ensuit alors un déclin rapide et inéluctable de la production vannière de masse. En 1900, on comptait 40 000 vanniers professionnels soit 1 vannier pour 100 habitants (entre 400 et 500 par département). De nos jours, on compte encore 200 vanniers, soit 1 pour… 300 000 habitants (une moyenne de 2 par département).    …

D’AUTRES USAGES

La dépollution des eaux de surface chargées    …

La lutte contre l’érosion   ….

D’AUTRES CARACTÉRISTIQUES  ….

OUTIL DE PÉDAGOGIE BOTANIQUE   …

Le saule est donc un être transversal. Pour les scolaires, comme pour le grand public, il permet d’aborder de l’histoire, de la géographie et aussi… un peu de botanique. Sa sexualité est suffisamment typique, pour ne pas dire bridée, pour en faire un outil de pédagogie efficace avec les plus jeunes. Les saules sont dioïques ; les biologistes ont observé que, rapidement, seules subsistent sur un plant les fleurs d’un sexe par des fleurs de l’autre sexe. Faire comprendre ce qu’est une étamine ou un pistil devient un jeu d’enfant !
Les exceptions dans notre collection montrant des fleurs dioïques permettent d’imager, si ce n’est expliquer, l’évolution du règne végétal et la diversité des espèces induites par les transgressions.
La notion de stratégie est imagée chez nos saules grâce à deux autres caractéristiques. La première est liée à sa graine,

qui ne dispose d’aucune protection, au contraire de son chaton si bien isolé : sa germination doit être ultra rapide, sa durée de vie n’étant que de quelques heures ou quelques jours au mieux, hors les eaux froides.

La seconde stratégie est liée à son bois qui dispose d’une incroyable facilité à émettre des racines. Cet autobouturage est une règle chez Salix fragilis dont les rameaux cassent net lors d’épisodes venteux. Est-ce parce que les saules se bouturent si facilement que les graines sont de si piètre durée de vie ou est-ce l’inverse ? Il est extrêmement tentant de lier de cause à effet ces deux phénomènes tout en se demandant lequel, comme l’œuf ou la poule, fut le premier mis en œuvre. Il est surtout intéressant d’y faire réfléchir les enfants, quand ils repartent après un atelier bouturage avec leur propre petit « arbre magique », à tester chez eux ou dans leur classe.

Saules nains : Salix reticulata (en haut) et Salix lanata (en bas).

La facilité de bouturage des tiges de saules permet des usages multiples au jardin. Il devient un élément de décor unique.

PLAISIRS ET BIENFAITS  …..

En conclusion, le saule est le symbole vertueux d’une puissance forte et souple. Il est l’éclaireur d’une armée végétale en quête de maigres terrains dont il épure le contenu, prenant le si redouté dioxyde de carbone pour fabriquer, comme tous les végétaux, notre vital oxygène et pourquoi pas cette presque aussi vitale énergie. …

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