Paysan-vannier Daniel, le (re)converti

daniel-monnetAlors qu’il pourrait tranquillement attendre la fin d’un parcours professionnel sans histoires, à 47 ans, Daniel Monnet décide de tout plaquer et de renouer avec ses racines paysannes. Après 25 ans de travail à l’usine sidérurgique locale, il décide de tourner la page, de s’écouter enfin et de prendre sa vie à bras le corps. Récit d’une reconversion réussie, teintée de joie de vivre !

Porté par la mémoire des anciens

« Un homme jovial », c’est le sentiment premier qui s’impose dès que l’on tente de décrire le personnage ! Aux premiers instants de la rencontre, Daniel Monnet rassure : « Non, vous ne me dérangez pas. C’est vrai que je n’ai pas le temps de tout faire, c’est bien pour ça que j’ai décidé une bonne fois pour toutes de prendre le temps de vivre ! ».

Et la journée passera sans que l’on y prenne garde !

Le déclic, il s’est fait un peu avant 2008. À cette époque Daniel prend conscience que, selon ses mots, « je n’aurais jamais dû perdre mon temps pendant si longtemps » !

Il espère alors profiter d’un « train » de licenciements et des avantages associés pour reconstruire une vie professionnelle qui lui corresponde enfin.

Raté, il ne fait pas partie du wagon des licenciés !
Qu’importe, il ose rompre son contrat de travail, désormais plus rien ne peut l’arrêter.daniel-monnet1

Sa voie est toute tracée, sa détermination totale : issu d’une famille d’agriculteurs, il veut redevenir paysan et vivre au village.

La vannerie lui tient à cœur, il l’a apprise avec ses grands-parents et son père, qui ont fait devant lui toutes sortes de paniers utilitaires en noisetier ou en saule. Les paniers étaient rustiques et fonctionnels, mais la magie du fait-main avait conquis le gamin qui jouait au milieu des copeaux. D’ailleurs, l’enfant de la ferme conserve précieusement quelques paniers de famille, un trésor laissé par ses aïeux. Un peu plus tard, c’est grâce à un conscrit de Dordogne qu’il apprendra, en un week-end, à faire un panier périgourdin, le célèbre et délicat bouyricou !

Un aîné attentif…

Alors qu’il vient de fêter ses 47 printemps, le paysan sait faire des paniers depuis belle lurette, mais ce savoir-faire ne lui suffit pas ; il envisage autre chose et fait un premier stage de 15 jours à Fayl-Billot… Juste pour voir ! Ce seront quinze jours intenses où il survole toutes les subtilités et la richesse d’un art dont il découvre qu’il ignore encore tout. « C’est là que j’ai le plus appris » confie-t-il ! Tant et si bien que deux ans plus tard, après quelques péripéties, il décroche un financement pour une formation longue à l’ENOV de Fayl-Billot…

Le retour sur les bancs de l’école, fût-elle de vannerie, n’est pas qu’une partie de plaisir. Pour un quadragénaire, quitter chaque dimanche soir femme et ferme ne se fait pas de gaité de cœur ! Mais le virus est là qui ne le quitte pas et même si parfois le temps lui semble long, il va au bout de son apprentissage ; il ne le regrettera pas. Pour sa promotion, il fait figure d’aîné attentif et rassurant. À son expérience manuelle, s’ajoute une dimension humaine irremplaçable. Fort de ses acquis passés, Daniel déroute quelque peu ses professeurs qui au bout de quelque temps ne savent plus quoi lui faire faire, tant les exercices proposés sont réalisés rapidement ! Qu’à cela ne tienne, notre petit paysan auvergnat en profitera pour réaliser des objets insolites, comme cette grande « mue » à volailles (en photo, ci-dessous), destinée à garder les poules et leurs poussins à l’abri des prédateurs !

Écouter ses envies

En fait, la culture paysanne est bien ancrée dans le personnage ; elle s’exprime pleinement à travers les réalisations magnifiques de l’artisan. Accrochées et stockées au plafond de l’atelier, elles attendent qu’un client les adopte pour remplir leur vie utilitaire. La qualité du travail favorise les coups de cœur !

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Profitant de ses savoirs multiples et variés, Daniel enseigne et transmet également son art à des stagiaires réguliers ou de passage.

Certains laisseront à Daniel le fruit de leur cogitation, comme ce stagiaire ferronnier qui imaginera un lève-éclisse de noisetier, à bloquer dans l’étau d’établi, tout à fait original et fonctionnel.

Aujourd’hui, le paysan-vannier a réussi son pari. Un large sourire illumine le visage d’un homme qui, a un moment important de sa vie, a su écouter ses envies et ses rêves et leur donner corps !

Que son niveau de revenu ait baissé, c’est une évidence, mais désormais il est devenu le meilleur des ambassadeurs de cette maxime populaire qui dit que « le bonheur d’une vie n’a pas de prix ! ».

En quittant Daniel, on se dit que tout n’est pas perdu, il en reste encore de ces Gaulois résistants, qui sont capables de transmettre les valeurs d’une vie simple et riche à la fois. Puisse son exemple inspirer d’autres parcours.

 

La suite dans  « LLC n° 6 » de décembre 2013, page 44